Vous êtes-vous déjà demandé ce qui vous manquerait le plus si la société telle que vous la connaissez venait à disparaître subitement ?

Alors, prenez le temps une seconde de regarder autour de vous. Si vous vous trouvez dans la rue, combien de personnes écoutent de la musique, conduisent, ont un portable à la main ? Peut-être, s’il fait nuit, pouvez-vous vous-même voir les vitrines des magasins illuminer le parvis, les phares des voitures vous éblouir un instant alors qu’elles ralentissent devant un feu rouge. Et si vous êtes chez vous, alors tournez simplement sur vous-même et comptez, comptez le nombre d’objets qui font votre quotidien et qui ne fonctionnent qu’avec de l’électricité ! Avez-vous ne serait-ce que pensé à fermer votre porte à clef ?

C’était notre quotidien à nous aussi, tout autant que le vôtre. Et puis, un enchaînement de catastrophes a complètement bouleversé notre quotidien.

D’abord, ce fut cette étoile qui, cent ans plus tôt, avait explosé bien loin de la Terre. Sa croûte terrestre morcelée en astéroïdes qui s’éparpillèrent aux quatre coins de la galaxie. Et puis ce fut cette tempête solaire, d’une force incroyable et imprévisible, qui explosa au moment même où l’un des restes de cette planète approchait de notre Terre, le déviant ainsi de sa trajectoire. Un caillou de sept kilomètres de diamètre, une pierre qui mettrait à coup sûr fin à notre ère et qui se dirigeait droit sur nous. Trois jours, il nous restait trois jours pour réagir et la faire dévier de son chemin. Seulement, l’éclipse solaire par un effet de rebond, est venue mettre à mal les dispositifs mis en place. La force du champ magnétique développé coupa le courant sur une bonne partie du globe terrestre, rendant toute action contre cet astéroïde impossible. Il fallut attendre dix longues heures avant de retrouver de l’électricité et déjà, les solutions mises en place étaient devenues obsolètes. L’astéroïde était à présent bien trop proche de notre système solaire. Un seul espoir, une seule solution demeurait : celle de la bombe nucléaire. Les scientifiques étaient mitigés quant à la réussite du projet, mais entre anéantir l’humanité toute entière et le faible espoir de survie qu’il nous restait, avions-nous vraiment le temps de gaspiller de l’énergie à en discuter ?

Alors nous l’avons fait, tous les pays possédant ces ressources et les moyens techniques l’ont fait. Ensemble, ils ont envoyé la bombe nucléaire contre cet astéroïde pour le dévier de sa trajectoire. Une mission suicide pour les astronautes envoyés la remplir, mais nous avons finalement atteint, en partie, notre objectif. Seulement, détachées de leur support par l’impact, des parties de l’étoile prirent de la vitesse pour foncer droit sur la Terre. Des centaines d’astéroïdes et de météorites de tailles différentes qui percutèrent notre sol un peu partout sur le globe, déclenchant tour à tour tsunamis, tremblements de terres, cratères, éruptions volcaniques… La surface de notre monde en a été complètement transformée. Mais, et si nos actions nous avaient évité le pire, nous n’en avions pas terminé.

Le soleil avait lui aussi reçu l’impact de ces météorites chargées de radiations. Les tempêtes solaires et éruptions solaires se multiplièrent de façons exponentielle au point où les experts prévoyaient que le phénomène s’étendrait sur les cent prochaines années. Et si la première tempête nous avait coupé toute forme d’électricité durant près de dix heures d’affilées, imaginez ce qu’il s’est passé quand ces tempêtes se sont multipliées et intensifiées. Il n’était plus question de prendre la voiture ou l’avion. La panique, la folie a gagné les cœurs, notre monde, notre système monétaire, notre système économique même. Tout s’est effondré. Même nos montres se sont arrêtées. Si ces catastrophes naturelles avaient coûté la vie d’une bonne partie de la population mondiale, ce n’était pourtant que le commencement…

Nous sommes aujourd’hui en 2030, dans ce qui fut autrefois le coeur du Canada.

Voilà un peu plus de dix ans que cet astéroïde a frôlé la Terre, un peu plus de dix ans que le soleil nous crache sa haine en nous coupant de toute forme d’électricité. Le monde que nous avons connu n’est plus. Chacun survit comme il le peut, pour ceux qui ont survécu bien sûr. Certains se sont rassemblés derrières des murs, loin de ce qui fut jadis la civilisation, en espérant y être tranquille. D’autres au contraire ont préféré défendre ce qui leur appartenait bec et ongles. Les plus intelligents se sont éloignés des impacts, des radiations résiduelles et des centrales électriques qui menacent à tout moment d’exploser. Les plus faibles, eux, sont morts depuis longtemps. Quant au monde extérieur, la faune et la flore se révèlent plus hostile que jamais, mettant chaque jour un peu plus à mal notre survie.

Malgré cela, nous pensions enfin avoir trouvé une certaine forme d’équilibre. Seulement depuis peu, un nouveau fléau semble voir le jour. Les gens s’endorment et ne se réveillent pas. Aucune de nos médecines ne semblent fonctionner. Et nous sommes si las de creuser des tombes pour ceux qui nous entourent. Voilà une éternité maintenant que nos mains sont tâchées de terre sans avoir le temps de s’effacer. Et nous ne sommes plus si nombreux après tout !

Du moins, était-ce ce que nous pensions, car depuis quelques jours circulent le bruit que des individus, les patriotes, se présentent dans les villes avec un remède contre ce fléau. Ils viennent transmettre un message de la part du « nouveau président de la nouvelle République d’Amérique », celle d’une volonté de reconstruire une sorte de nouvel État, de redéfinir des règles et des institutions pour retrouver un semblant de hiérarchie. Ces sauveurs prônent leurs idéaux et dénoncent cette milice qui, nouvellement créée, semble promettre de protéger les habitants en leur laissant toute liberté d’aller et venir à leur gré. Ils nous encouragent à quitter nos maisons pour rejoindre la ville, là où ils seront plus à même de nous protéger et créer un système aussi proche que possible de celui qui avait été. Seulement sommes-nous prêt à tout abandonner à nouveau ? À faire confiance à l’un ou l’autre des partis qui revendiquent notre allégeance ? À suivre aveuglement ces sauveurs venus d’on ne sait où ? Où étaient-ils d’ailleurs, pendant tout ce temps, quand nous mourions de faim, de maladies ou des mains de ceux qui n’avaient plus rien à perdre ? L’avenir est bien incertain. Si ce n’est pas la Terre et son environnement qui nous tuera, choisir un camp ne le fera-t-il pas ? Qui osera prendre position dans ce conflit d’intérêt ? Qui choisira de donner allégeance à l’une ou l’autre des politiques en présence ? Et si nous ne le faisons pas, que se passera-t-il ?